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Pas de statut d’auto-entrepreneur en cas de lien de subordination juridique permanent avec l’entreprise

Dans un arrêt du 10 janvier 2017, la chambre criminelle de la Cour de cassation rappelle que la personne qui a le statut d’auto-entrepreneur mais qui est dans un lien de subordination juridique permanent avec l’entreprise pour laquelle elle travaille est bien liée par un contrat de travail. L’entreprise doit alors être condamnée pour travail dissimulé.

La question est d’actualité. Comment assurer aux travailleurs indépendants une protection, notamment à ceux qui – sous couvert d’un statut d’indépendant – sont en fait économiquement dépendants ou juridiquement subordonnés ? Avec le développement des plateformes collaboratives, la question a ressurgi mais elle existait déjà avec le boom des auto-entrepreneurs. A cet égard, l’arrêt rendu le 10 janvier dernier démontre que les juges veillent au grain.

Versement d’une somme forfaitaire identique aux quatre assistants d’édition

Une librairie emploie trois assistants d’édition avec le statut d’auto-entrepreneur et un quatrième en tant que stagiaire. A l’occasion d’un contrôle Urssaf, le doute s’installe sur leur statut véritable, tout au moins pour les années 2009 à 2011. En effet, depuis leur arrivée au sein de l’entreprise, leurs fonctions avaient toujours été identiques, de même que leurs horaires. Ils étaient rémunérés sur facture. Certains avaient toutefois changé de statut en cours d’emploi, devenant ainsi salariés.

Pour se défendre, l’entreprise mettait en avant le fait que ces travailleurs « n’étaient liés par aucun lien de subordination à l’égard de la société, bénéficiant d’une totale liberté quant aux horaires effectués au sein de la librairie, pouvant refuser certaines tâches qui leur étaient demandées et ayant la possibilité de travailler pour d’autres entreprises ».

Mais, interrogés par les inspecteurs de l’Urssaf, les assistants d’édition ont récusé cette analyse. Ils se sont présentés comme des employés de la libraire, accueillant le public, et non comme des travailleurs indépendants n’ayant de relations qu’avec leur donneur d’ordre. Les agents de contrôle constatent par ailleurs qu’il n’y avait jamais eu de devis préalable aux travaux à effectuer, que les factures émises étaient toutes sous la même forme, quel que soit le prestataire et comportaient toutes des termes généraux sur les prestations fournies (« travaux d’artisanat, d’imprimerie », « travaux de libraire »). Une somme forfaitaire identique, quel que soit le prestataire et sa qualification, de 600 ou 700 € était versée « sans précision ni sur le travail exact effectué, ni sur le temps d’heures accompli pour ce salaire ».

S’exonérer de toutes les obligations liées au contrat de travail

Les juges, non tenus par la qualification de la relation donnée par les parties, en déduisent que « l’ensemble de ces éléments établissent que le travail accompli au sein de l’entreprise considérée s’effectuait dans des conditions de subordination, une direction par le gérant de la société selon des horaires établis, avec des tâches répétitives au fil des mois pour une rémunération constante, ce qui caractérise l’existence d’un contrat de travail mettant à néant la présomption de non salariat rattachée à l’auto-entreprise ou à un simple stage temporaire ». La librairie avait ainsi « intentionnellement substitué des stagiaires et des auto-entrepreneurs à des salariés pour occuper des postes permanents au sein de l’entreprise ».

Les juges condamnent sévèrement la pratique : « En faisant appel volontairement à trois personnes déclarées sous le statut d’auto-entrepreneur et un sous le statut de stagiaire, la société et son gérant ont cherché à s’exonérer de toutes les obligations liées au contrat de travail », mais aussi de « s’exonérer du paiement des charges sociales, soit en raison des conditions légales avantageuses sur ce plan accordées à l’action de formation des stagiaires, soit par le fait de transfert du paiement des charges sociales aux auto-entrepreneurs ».

Suivant la position des juges du fond, la chambre criminelle de la Cour de cassation confirme l’existence d’un « lien de subordination juridique permanente ».

L’entreprise est condamnée pour travail dissimulé « par omission de remise de bulletins de salaire lors du paiement de la prestation effectuée, de déclaration aux organismes de protection sociale et à l’administration fiscale »